jeudi 18 janvier 2018

Un jardin dans un paysage, le paysage dans le jardin

Faire venir le paysage jusqu'à la maison... Retrouver le parti d'origine des années 70 : une maison  "dedans-dehors" posée à mi-pente dans un cadre naturel. Une situation privilégiée et un site à préserver avec soin et modestie. Un "jardin sans limites". Mais comment ? Pas si facile en réalité. Tout réapprendre. A l'inverse de créer un univers clos sur lui-même, de tordre le site en le "jardinant", d'introduire des arbres, arbustes ou vivaces qui pourraient dévoyer le caractère du lieu. S'y glisser au contraire en soulignant par touches les facettes de son identité : une ancienne lande pauvre descendant vers la rivière, en lisière de bois de pins et de chênes ; vers le sud en limite  un vieux talus empierré et arboré avec au-delà un très grand champ cultivé.

Le terrain avait fait l'objet il y a quarante ans de plantations horticoles denses et variées d'espèces alors à la mode dans les jardins. (....Aujourd'hui dans le même contexte seraient plantés palmiers, oliviers, cordylines, phormiums ..). Nombre d'entre elles n'ont pas survécu, tant mieux. Plusieurs autres, incongrues, plantées trop serrées ou ayant mal vieilli ont pu être supprimées. Mais il reste pourtant de cette période de magnifiques sujets, arbres et arbustes qui mettent le site en exergue : le pin de Monterey entre les pins maritimes et les chênes, un cèdre (encore jeune) de l'Himalaya, un eucalyptus en lisière d'un boqueteau de pins, le magnolia liliiflora. Et sous les grands arbres, camellias, rhododendrons...J'ai pris la relève dans cet esprit.
 Un grand camellia et un rhododendron nain (non encore identifiés) conservés et soignés
Après bien des erreurs (dont celle de vouloir trop en faire...), j'applique quelques principes simples auxquels il me faut me tenir.

*Contrairement à ce qui est généralement prescrit ("jardiner autour de la maison et au loin préférer le naturel"), je tiens à l'écart les séquences et les différentes ambiances du jardin (une dizaine aujourd'hui quand même), sauf sur le pignon d'entrée en signe d'accueil. Les scènes du jardin s'appuient sur des arbres et arbustes préexistants, en sous-bois, le long du talus, au-delà des vieux pommiers... On les découvre de près, au détour de la promenade.
Un jeune schizophrama hydrangeoides planté à l'ombre entre 2 pins maritimes

*Ne pas vouloir "tout" investir, laisser tel que derrière la maison les bois de chênes et de pins qui se prolongent au-delà des limites.  J'avais fait l'erreur de planter un hydrangea aspera villosa  en lisière du bois. Trop présent dans cette ambiance il va être déplacé.

* Respecter strictement dans le choix des végétaux la nature du sol, plus variée qu'on pourrait le croire au prime abord, pour éviter les déconvenues, les échecs et les incohérences.... Au bas du terrain, la terre est plus riche, plus humide, dans le haut le sol est très sec et pauvre. Une chance.

*Sélectionner des arbres et arbustes intéressants pour leur feuillage, leur port et leur silhouette, leur écorce, plus que par leurs floraisons. Avec des exceptions : rhododendrons et camellias,  hydrangeas... Apporter des touches de couleurs oui mais non "flashy", qu'elles puissent juste éveiller l'harmonie douce des teintes changeantes du ciel, de l'eau, des troncs et des feuilles selon la lumière et les saisons.  
 
 L'hamamelis Jelena avec à son pied les longues feuilles fanées des iris lazica jouant le ton sur ton (celles aussi du hêtre marcescent en arrière-plan)

*Inciter des plantes indigènes et spontanées à prospérer sur le site (je les transplante là où elles contribueront à structurer le jardin) : merisiers sous les chênes et les pins ; noisetiers, houx, aubépines qui remplacent les pyracantha, forsythia, genêts d'Espagne dans la haie du bord de route; pulmonaires (pulmonaria longifolia), bugle rampant (ajuga reptans) en tapis entre les hydrangeas ou les rhododendrons nains... 
Un des très nombreux semis de pulmonaria longifolia 
Les premières fleurs des hellébores orientales blanches introduites
*Planter "en masse" une même espèce pour créer des plages à l'échelle des vues très ouvertes sur le paysage : ainsi de la bruyère d'hiver blanche (erica darleyensis x white glow et x white perfection), du saxifrage stolonifera en couvre-sol persistant sous le magnolia liliiflora nigra. 
 
 

Dans 4 séquences du jardin des espèces et hybrides différents d'epimediums dont je suis une fan quasi inconditionnelle.  

 Les teintes chaudes du feuillage d'hiver de l'epimédium x versicolor Sulphureum, un classique peut-être...mais une valeur sûre : 2 pieds divisés de mon ancien jardin ont formé en peu d'années un couvre-sol à toute épreuve sur plusieurs m2.   

3 commentaires:

maryse h a dit…

J'admire ta démarche même si elle ne me correspond pas tout à fait .Peut être ainsi te facilites tu le travail également . Mon évolution consiste plutôt à jardiner l'environnement proche et laisser le fond du jardin en Prairie naturelle pour s’intégrer aux champs alentour.J'introduis de plus en plus de persistants pour tendre vers un jardin plaisant pendant l'hiver également .Par contre, je te suis pour utiliser les contraintes du terrain .Ne pas lutter et s'épuiser à planter des arbustes contraires à la nature du sol. Ton article est très intéressant car il prête à débat.Bises et bonne soirée.

Dominique a dit…

Merci Maryse. C'est le site qui l'impose à mon sens en fait. Il est tellement "fort" esthétiquement que nombre de végétaux introduits apparaissent incongrus. Je l'ai remarqué dès ma première visite: plantés il y a quarante ans deutzia, céanothe, herbe de la pampa etc...,saule pleureur (souffreteux sur la pente, très sèche et pauvre,sic!), yucca, haie de cyprès (qui d'ailleurs se trouvaient effondrés par les tempêtes successives) brouillaient la beauté du site au lieu de la souligner.

(Comme souvent)les plantations avaient été toutes trop serrées et plusieurs décennies plus tard des arbres se gênaient, le site s'était assombri, il a fallu éclaircir.

J'ai conservé cependant des arbres totalement exogènes qui se sont immiscés dans cette ambiance dominante de pins et de chênes :un eucalyptus, le cèdre de l'Himalaya, les arbousiers et le pin de Monterey beaucoup plantés dans le golfe du Morbihan. Même deux rince-bouteilles (callistemon citrinus) au fond du terrain que l'on remarque à peine au pied de petits chênes et de merisiers.

Il manquait pourtant à mon sens pour que ce soit un "jardin" (et pas seulement la lisière du bois voisin) l'échelle des arbustes, les couleurs d'automne des feuillages, et....je ne le cache pas.... des plantes dont je ne peux me passer depuis des années. Il m'a fallu pourtant faire un choix réfléchi et drastique.

Surtout c'est une nouvelle aventure, imprégnée de notions chères à Gilles Clément,l'opportunité de jouer les "trompe l'oeil" (entre espèces indigènes et cousines asiatiques ou hybrides horticoles : j'y reviendrai dans un article), d'accentuer les plantes de sous-bois chères à Gertrud Jekill, la princesse Sturdza ...d'échanger avec ces jeunes (ou pas)producteurs de talent que je cite dans mon blog.

MAIS tu n'as pas tort non plus Maryse, cette conception m'arrange aussi...car je ne pourrais faire plus avec mon emploi du temps,mes engagements professionnels et perso.

Dominique a dit…

Ma réponse est longue, j'oubliais...Oui tu as raison Maryse pour les persistants qui structurent en hiver. Ici je valorise et utilise(outre les pins, rhodo et pieris conservés)les chênes verts, les houx horticoles et indigènes (les houx formeront un fond pour la floraison du jeune hamamellis Pallida par exemple), les arbousiers. Les 3 se ressèment naturellement mais la transplantation des houx ne réussit pas systématiquement, va savoir pourquoi.