samedi 29 février 2020

Des belles hellébores orientales (hybrides!)

Vous connaissez ma préférence, assumée, pour les espèces végétales en général... Je me méfie des hybridations, pour certaines peu stables, et des effets de la "nouveauté". D'ailleurs certaines créations disparaissent vite des catalogues, remplacées par d'autres, etc. Peut-être aussi parce qu'hybrider pousse à rechercher une sophistication extrême, parfois à jouer "les apprentis sorciers". 
Une vigoureuse hellébore x hybridus White Lady Spotted obtenue par Gisela Schmiemann en Allemagne. Superbe en lisière des bruyères d'hiver, sous le couvert du magnolia liliiflora qui commence à fleurir

En fait les hellébores dites "orientales" rassemblent un groupe nombreux d'espèces différentes, originaires des Balkans (ex-Yougoslavie), nord-est de la Grèce et de la Turquie, Caucase : orientalis mais aussi atrorubens, guttatus, multifidus, purpurescens, viridis... Un groupe compliqué d'autant que plusieurs s'hybrident entre elles. De quoi s'y perdre. Humblement je rends donc hommage et je renvoie aux spécialistes, aux pionnières : Martine Lemonnier en France (cf. article du 21 décembre 2019),  Elizabeth Strangman en GB, Hellen Ballard en Allemagne... 
L'hellébore Wilgenbroek Slaty Blue, bleue ardoisée et veinée
L'hellébore orientalis est celle qui s'hybride et se ressème le plus facilement. Mes deux premières hellébores en sont issues : "Atrorubens" (non pas l'espèce mais une ancienne forme d'orientalis subsp. abchasicus,apparemment connue depuis le 19ème siècle - trop compliqué pour moi, j'abdique! -) et une orientalis blanche. Ces 2 hellébores se sont effectivement multipliées et croisées à ma grande joie dans mon ancien jardin.
 
 L'hellébore Abigail généreuse, très foncée quasi noire
Mais, mais, mais, ....arrivée ici avec quelques pieds transplantés sans difficulté en avril 2012 (ils se sont eux aussi ressemés depuis sans craindre l'acidité du sol), j'ai "craqué" ensuite sur plusieurs hybrides à fleurs simples d'obtenteurs et producteurs belges : Wilgenbroek Slaty Blue, de Winter Angels une noire Abigail (cf.article du 3 mars 2019) et Anna's Red (rouge) aux pieds bien vigoureux, précoces et florifères.  Comme quoi une fois de plus il ne faut jamais dire: "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau". 
  Une hellébore double, la seule du jardin, me fait aussi mentir... 

dimanche 23 février 2020

Le magnolia liliiflora" Nigra", un excellent "vieux de la vieille"

Une valeur sûre, de grande longévité, résistante... Cette espèce est toujours aux catalogues, entre des importations plus récentes et de nouveaux hybrides. 
Le magnolia liliiflora "Nigra" est un magnolia de printemps (caduc) au coloris pourpre (en boutons) qui s'éclaircit en nuances plus pâles ensuite. Il fleurit de nombreuses semaines avant et pendant l'apparition du feuillage. Ce magnolia refait quelques fleurs par intermittence pendant l'été, peu visibles.

La floraison démarre tout début mars avant les premières feuilles, en 2020 dès cette fin du mois de février
L'espèce est originaire de Chine (cultivée depuis longtemps, au Japon notamment) et la variété "Nigra" une des plus rustiques (zone 5) selon Jelena de Belder. 
Ce magnolia liliiflora "Nigra" a certainement été  planté au début des années 70 juste après la construction de la maison. Il marque le virage du chemin d'arrivée.
  
A la lisière du bois de pins et chênes, près de la maison et bien exposé au sud (mais à l'abri du soleil de l'après-midi) je l'ai précieusement conservé en arrivant et d'abord débarrassé d'un épais tapis de lierre qui avait envahi le sol. En prenant garde de ne pas abîmer les racines : les racines du magnolia sont superficielles et très nombreuses sous toute la ramure. Je l'ai nourri d'un engrais organique (Bochevo) et par la suite taillé en transparence (après un stage au Vastérival et les leçons de Dominique Cousin *). 
La taille de transparence répartit la floraison qui devient plus abondante et déclenche de nombreuses jeunes pousses. La taille s'effectue entre août et octobre lorsque les boutons floraux du printemps suivant sont bien visibles
Une observation attentive avant de tailler un magnolia de printemps est à mon sens très utile. Je tiens à préserver le port naturel large, bombé de l'arbuste et à garder un équilibre de plusieurs branches basses. Se courbant vers le sol celles-ci protégeront des rayons du soleil en plein été aux heures les plus chaudes les plantes de mi-ombre en-dessous.
L'ombre portée d'un cyprès devenu très imposant et gênant entre un cèdre et un pin de Monterey nuisait aussi au magnolia. Le cyprès a été supprimé.
Hellébores orientales pourpres, blanches et rosées, hydrangea Shira-Huzi, saxifrage stolonifera, geranium phaeum Walkure et Lily Lovel ont été plantés juste à la périphérie de l'arbuste. Maintenant les plantes basses se ressèment sous la ramure où bon leur semble et colonisent le sol au pied du magnolia sans lui nuire. 

Le magnolia liliiflora "Nigra"  est donné généralement pour 3m de hauteur.  Celui-ci a atteint depuis longtemps sa taille adulte mais il continue à s'élargir et à s'étoffer (grâce à ces bons soins?). 

Parce que les magnolias "vont bien" dans ce site en partie boisé (et non dans un esprit de "collection"), j'ai pris le relais en plantant plus haut entre les pins et chênes dans un lieu très lumineux et protégé des vents d'ouest et nord 2 magnolias de printemps à fleurs blanches en forme d'étoiles : un magnolia stellata (3/5m adulte, originaire du Japon) et un magnolia x loebneri" Merrill", un grand hybride (m.stellata x m.kobus) obtenu vers 1939 à l'Arboretum Arnold (Boston.Harvard. USA). Il atteindra peut-être 8 x 9m...à condition de bien le protéger lui aussi des chevreuils!
(*) Dominique Cousin. La taille de transparence. éd.Ulmer. 2011      

mardi 18 février 2020

Jardins "sauvages"

Une envie plus forte de "naturel" ou un site qui s'y prête peut conduire à "ensauvager " le  jardin, en laissant des semis spontanés prospérer ou des plantes indigènes vagabonder - au grand dam de ceux pour qui un jardin "il faut que ce soit propre"-.
    
Sissinghurst : Au pied d'un rosier jaune à fleurs simples un geranium phaeum se ressème à foison
La tendance n'est pas nouvelle. "The Wild garden" (*) publié par l'irlandais William Robinson en 1870 fit des émules au 20ème siècle dans toute l'Europe, aux Etats-Unis jusqu'en Australie. En France cette sensibilité gagna du terrain (si j'ose dire...) à partir des années 1980-1990. 
Dans mes années d'apprentissage du jardinage j'ai ainsi été influencée par une anglaise Violet Stevenson ("Créer un jardin sauvage". Nathan. 1995. - encore disponible sur le web-), bien sûr le paysagiste Gilles Clément et d'autres.
L'esprit s'affine aujourd'hui en tenant compte des interactions des plantes entre elles, des questions sur la biodiversité et des évolutions inéluctables du climat. 
De grands jardins anglais y contribuent. Cette plate-bande "sauvage"de printemps est une des surprises rencontrées à Savill Garden (lorsqu'on remonte du Spring Wood,  avec les clairières  "The Glades" et le jardin d'eau "Bog Garden").
The Savill Garden dans le grand parc royal de Windsor
Pour leur part les jardiniers actuels de Sissinghurst innovent. Ils apportent une touche d'ambiance "naturelle" dans des lieux un peu à l'écart : le long des façades nord et est du Cottage, en pied de certains murs, ou en lisière du jardin vers le domaine agricole. 
Sissinghurst : un tapis serré "tricoté  sur la façade nord du Cottage

Pavots des Pyrénées (meconopsis cambrica) qui se ressèment facilement, anémones de bois, fougères, véronique petit-chêne, jacinthes des bois (hyacinthoides non-scripta),... autour de fothergilla  gardenii


 
Sissinghurst : Une échappée depuis le fond du jardin au Sud vers les prairies environnantes

Les rosiers botaniques et hybrides à fleurs simples trouvent facilement leur place : des feuillages indemnes de maladies, de petites roses délicates qui seront suivies de jolis fruits.

Sissinghurst : un rosier botanique à fleurs rose pâle au-dessus d'un tapis mêlant corydales, primevères et digitales.  Non loin, un rosier William III, (rosa spinosissima) rosier pimprenelle avec des boutons en profusion fin mai

Une ambiance "sauvage" au jardin peut être bien différente lorsque le désir est de se transporter ailleurs, de rêver d'autres continents. A Wisley c'est ce que propose entre autres un sous-bois quasi asiatique. 

 
Wisley: Sous le couvert d'un bois de chêne, rhododendrons, ligulaires, epimediums...avec les semis de geranium phaeum (= g.lividum) en couvre-sol : une vivace...originaire d'Europe centrale, fréquente dans les Pyrénées et en Auvergne
(*) Pour en savoir plus : "Le fameux Wild Garden. Le jardin sauvage ou Jardin Naturel". W.Robinson.Traduit en français par Florence André. éditions Petit Génie. 2014

jeudi 13 février 2020

S'y prendre à deux fois

Au "petit printemps" en avance cette année avec ce soleil (entre deux tempêtes) et les températures si douces l'euphorie gagne les jardiniers et jardinières : sus au sécateur, la scie japonaise, le coupe-branches! Mais la sagesse veut (surtout les erreurs passées) que je m'y prenne à deux fois. Un peu comme le dicton : "tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler"...                                                                  
 Des grappes de fruits sont supprimées à regret sur un vigoureux et très vieux - sans doute 30 ans...- rosier Red Ballerina.
Les rosiers conservés à mon arrivée ici ont été pour la plupart transplantés. Le seul resté en place est un hybride moschata créé en 1974, cousin de Ballerina, très remontant, poussant en massif compact, abondant en cynorrhodons. J'ai entrepris d'en rajeunir  cette année le vieux bois. 
 
"Pas le coeur" pourtant de tout supprimer maintenant. J'y reviendrai une deuxième fois.
Pour tous les arbustes, d'abord en première étape la taille des évidences :  le bois mort, les tiges trop grêles (rosiers) qui ont été épargnées ou oubliées lors de l'éventuelle "pré-taille" d'automne (le climat doux ici l'autorise), les bourgeons faiblards ou isolés (hydrangeas), les branches croisées au centre des arbustes, celles repartant à angle droit (nuisant à la silhouette générale). J'arrête là. 
Ce sera au tour de ce camellia double, du même âge, juste après sa floraison. 
Ce camellia, trouvé effondré et poussant à l'horizontale sous les assauts meurtriers d'une rangée d'eleagnus ebbingei (rabattus à 2m pendant 5 ans et définitivement supprimés cet automne), s'est redressé progressivement. Il a abondamment repercé le vieux bois à la lumière retrouvée et fleurit maintenant de tous côtés.  J'aurai encore à enlever ce printemps quelques tiges à l'oblique, les plus basses. 

Dans un deuxième temps, avec un "regard neuf" et en prenant du recul, j'y reviens à mes tailles. Tournée d'inspection de tous  alors...la silhouette générale prime sans compter quelques oublis (il y en a toujours...). 
La pousse un peu divergente de cet ilex J.C. Van Tol, au magnifique port pyramidal, me conduit à intervenir légèrement sur quelques branches secondaires chaque début de printemps

Autre touche de rouge (pour Maryse) : le jeune ilex J.C.Van Tol (un houx obtenu aux Pays-Bas en 1904, sans épines, autofertile), planté il y a 5 ans à l'angle du pignon nord-est de la maison (...atteignant 4m en 2019 faisant mentir sa réputation de croissance moyenne), a gardé ses grappes de fruits pour la première fois cet hiver. Le port très aéré m'a incité à planter à son pied une clématite maximowicziana qui portera de nombreuses petites fleurs blanches très parfumées en août-septembre. Cette clématite, comme les autres plantées dans différentes séquences du jardin : alba luxurians, tangutica et chiisanensis Korean Beauty, Huldine, Etoile Violette, vient d'être taillée. C'est fait!

jeudi 6 février 2020

Merci Mr Soames. Sheffield Park and Garden

Et merci à Maryline à qui je dédie cet article. Son commentaire sur une photo prise à Sheffield (article du 21 janvier 2020) m'incite à publier ce billet sans attendre... le printemps.
Au sud de Londres dans le Sussex le "Sheffield Park and Garden"est pour les anglais une des nombreuses destinations de promenade le week-end. Aujourd'hui propriété du National Trust 80 ha de ce très vaste domaine sont ouverts au public. Dans sa partie sud on peut faire de la marche sur des boucles de promenade à travers champs et prairies, promener son chien, pique-niquer... La partie nord est un parc paysager magnifique s'étageant "sous les fenêtres" de la grande maison (restée privée).

L'étang "Ten Foot Pond" proche de la maison est aussi le plus haut des 4 étangs successifs
Capability Brown, un grand nom de l'histoire de l'art des jardins anglais au 18è siècle forma ce parc dont 4 plans d'eau sont les pièces maîtresses. (Dans le même temps le propriétaire transformait la maison en "style gothique" alors à la mode en Angleterre).
Capability Brown fit creuser les plans d'eau en fonction du relief, les relia par ponts et cascades. 
 
Vue depuis l'extrémité du "Ten Foot Pond"vers les cascades :"The First Bridge & Pulham Falls" Au fond on aperçoit le second plan d'eau en contrebas, le "Middle Lake"
Les allées longent les berges, traversent les sous-bois, rejoignent un autre étang... Les points de vues proches et lointains varient sans cesse sur le paysage, "dessus" "dessous". 
 
Mais "rendons à César ce qui...". C'est surtout à Arthur Soames que Sheffield Park doit sa beauté aujourd'hui. Ce financier enthousiaste et passionné avait réussi à acheter Sheffield en 1910 (à la mort du comte de Shieffeld criblé de dettes...). Un arboretum s'y trouvait déjà rassemblant des espèces indigènes et des essences exotiques découvertes depuis peu. Arthur Soames se mit à voyager à travers le monde, se mettant en relation avec les directeurs de Kew Gardens, Arnold Arboretum (Harvard USA) pour enrichir et parfaire son parc, ce qu'il fit durant une vingtaine d'années. 

Quelques points de couleurs, feuillages pourpres et floraisons roses de rhododendrons au loin
Il aimait tout particulièrement les rhododendrons, les azalées (Sheffield Park rassemble la collection nationale des azalées de Gand), les kalmias. 
Arthur Soames choisit beaucoup de ses azalées à la "Knapp Hill Nursery" (Surrey), célèbre pépinière anglaise à l'origine de nombre d'hybridations de rhododendrons et d'azalées. La collection est restée soigneusement étiquetée à Sheffield. Dans les années 1980 des amateurs belges passionnés les ont bouturées et à nouveau multipliées. Plusieurs variétés Knap Hill sont présentes dans nos jardins aujourd'hui : Persil, Satan, Nancy Waterer...De quoi avoir "un petit bout" de Sheffield chez soi!