mercredi 31 octobre 2018

L'automne dans les jardins pragois

Les jardins et les parcs de la ville de Prague sont des havres de calme à l'écart des lieux arpentés par des groupes touristiques internationaux.  Les pragois aiment leurs jardins et les parcs, nombreux rive gauche de la Vltava dans le quartier de Malà Strana mais aussi à la périphérie de la capitale. En cette saison les feuillages d'automne mordorés s'accordent aux ocres jaunes des façades et aux orangés des toits en tuiles. Le noir des troncs apporte un caractère très graphique et souligne la silhouette des grands feuillus.
 Le parc de Kampa au bord de la Vltava
 
C'est aussi le moment où l'on remarque combien ces jardins et parcs sont entretenus. Les charmilles, les topiaires, les broderies des jardins baroques sont impeccablement taillées.
Le jardin baroque Wallenstein du 17è siècle, aujourd'hui jardin du Sénat tchèque.

Ce jardin est le seul visité par les touristes en groupes. Traverser le jardin Wallenstein le matin tôt permet d'en apprécier tout le charme. 

 La conduite des grimpants est très réfléchie, parfois avec un brin de fantaisie (comme celle de laisser au lierre la liberté de se glisser sur les branches basses d'un alignement de magnolias de printemps, jusqu'à 0,60cm de haut...pas plus). A l'inverse des rhododendrons peuvent être tenus relativement bas en topiaires.
L'entrée du jardin Ledeburskà (Ledebour garden), un des jardins qui s'étagent en terrasses bien exposées au sud sous le château de Prague 
 Les fleurs des platebandes ne sont plus que souvenirs mais le dessin de ces jardins à cette saison n'en est que plus présent.  Des jardiniers s'affairent, ici pour reconstruire le bassin au coeur d'un jardin historique, là pour trier et replanter des bulbes de printemps.

La partie privée des jardins de l'ancien palais Fürstenberg, aujourd'hui une ambassade, se laisse voir aux passants à travers les grilles
Ces jours-ci j'ai découvert un autre de ces jardins situés sous le château de Prague, les jardins en terrasses du palais Fürstenberg (Fürstenberské zahrady). Ces jardins ont été restaurés avec l'apport de fonds de l'Union Européenne comme le rappelle un panneau à l'entrée.
D'étroites et hautes terrasses structurent le jardin étagé sur une forte pente. Pieds de vigne, arbres fruitiers, rosiers et vivaces occupent en lignes chaque parcelle de terre. D'autres cultures sont palissées sur les murs de soutènement. Et deux petites serres ont été construites à mi-pente. Un jardin très géométrique. 
Un alignement de prunus superbe par ses couleurs d'automne souligne le dessin des terrasses
 Les dernières roses du jardin, en bordure de l'allée principale bordant les terrasses
De grandes bassines recueillent l'eau de pluie sur les terrasses supérieures afin d'arroser plus aisément les cultures
 Le haut du jardin multiplie les vues sur l'ancien palais et son jardin privé

 
 Le jardin Fürstenberg est aussi le chemin idéal pour monter directement à l'entrée Est du château, évitant ainsi les hordes de touristes qui envahissent les rues principales de Malà Strana, la place de Hradcany et l'entrée principale.  
  
J'aime revenir dans ces parcs et jardins à chacun de mes séjours, les découvrir différents avec les saisons, en dénicher d'autres qui ne figurent pas dans les guides. Beaucoup seront fermés pour l'hiver jusqu'au printemps et il était temps en ces derniers jours d'octobre d'y retourner.  
Le jardin Vrtbov,en septembre 2016. Un autre jardin baroque d'un ancien palais du 18ème siècle. Il s'étage sur le versant opposé de Malà Strana, en bas de la colline de Petrin.
On accède à l'entrée du jardin très discrètement, par un porche et au fond d'une ruelle donnant sur la rue Karmelitskà

lundi 22 octobre 2018

Autres lieux, autres jardins

Autres lieux, autre univers... Sur les hauteurs de la station balnéaire d'Arcachon la Ville d'Hiver a conservé un ensemble exceptionnel de villas et jardins de la 2ème moitié du 19ème siècle...Sur des dizaines d'hectares, se succèdent des maisons de villégiature de toutes tailles, depuis l'imposant et ostentatoire "château" au modeste "chalet" désuet au charme fou. Une architecture "pittoresque" et débridée qui associe plusieurs styles, néo-classique, néo-gothique, mauresque, colonial...

Station de cure renommée dès les années 1820 pour les bains de mer, les banquiers Péreire et leur Compagnie des Chemins de Fer du Midi aménagent quarante ans plus tard un très vaste lotissement sur les hauts de la dune plantée de pins. Sur certaines parcelles en contrebas ils construisent de petits "chalets"destinés aux curistes, mis en vente ou en location. 

La Ville d'Hiver d'Arcachon connut rapidement un grand succès. De riches négociants bordelais, des industriels fortunés, commerçants, fils de familles britanniques acquièrent des lots et se font construire de vastes demeures montrant leur bonne fortune.

J'ai arpenté la Ville d'Hiver plusieurs heures le week-end dernier, grimpant et descendant les allées en courbe et les rues dessinées soigneusement (pour éviter les courants d'air) lors de la création de ce quartier  très "fashionable". 
 Le développement des jardins aménagés dès l'origine a transformé au fil des décennies l'ambiance de la Ville d'Hiver.  Certaines villas se devinent seulement à travers leurs jardins. 
Des "vues sur mer" se sont fermées, les grands arbres exotiques plantés ont modifié l'échelle du site, des arbustes se sont multipliés et ont pris leurs aises. Rhododendrons, pittosporums, arbousiers, lauriers rose sont partout. Et le fleurissement du Parc Mauresque, dans "le style Napoléon III" avec nombre d'espèces exotiques, est ici bien à sa place. 
Malgré tout des arbres subissent de plein fouet les fortes tempêtes. D'autres résistent. J'ai remarqué la haute silhouette de splendides pins parasols et la ramure extraordinaire de chênes liège. 

La plupart des jardins, soigneusement entretenus ou non, sont empreints d'une certaine nostalgie, tout comme ces architectures. L'étonnant est qu'elles et eux aient résisté aux générations suivantes (de spéculateurs), contrairement à bien d'autres stations balnéaires françaises, et que cet ensemble, extraordinaire par son nombre et sa diversité, perdure. Le découvrir en se perdant dans le dédale des rues, allées et impasses est un enchantement.  

mercredi 10 octobre 2018

La pluie, pour le pire et pour le meilleur

Enfin! la pluie...attendue ici, catastrophique et monstrueuse sous d'autres cieux. En des temps si bouleversés il y a une certaine indécence à la réclamer et vanter ses bienfaits au jardin. En peu de jours on peut mesurer le degré de résilience des plantes après cette longue, très longue période de sécheresse. Celles qui en auront réchappé, même affaiblies, les imperturbables qui n'ont pas bronché (cf.article précédent) et celles au sort incertain. J'attendrai jusqu'au printemps prochain le verdict final dans l'espoir que quelques-unes (des vivaces notamment) se soient mises prématurément en dormance...
 Même les jeunes arbres plantés depuis cinq ans ont dû être arrosés chaque semaine pendant l'été, le terrain étant en pente, le sol léger et très drainant
Après une longue léthargie, le jardin étant entré "en résistance" tout l'été, le cycle s'accélère. La pluie, l'alternance de fraîcheur et chaleur entre la nuit et le jour, et surtout les jours plus courts ont déclenché quasi du jour au lendemain le virage aux couleurs d'automne des arbres et arbustes : liquidambar styraciflua, cornouiller officinal, cornus controversa Pagode.
Les feuilles du cornus controversa tournent progressivement au rose
Les fothergilla major aussi prennent des couleurs. Mais étrangement ces arbustes ont des tonalités différentes selon les pieds (variant avec leur provenance?). Des fothergilla major achetés en pépinière tournent au jaune beurre... formant un joli contraste avec les bruyères d'hiver blanches déjà en boutons.
 
Un autre groupe plus âgé de fothergilla major  (des marcottes apportées de l'ancien jardin) prennent des teintes en dégradé écarlate, orangé et grenat.
Les couleurs d'automne sont fugaces chez certains végétaux. Ainsi les amélanchiers, merisiers, hamamélis, stewartia perdent ensuite rapidement leurs feuilles, et pas seulement à cause du vent. Les couleurs sont précoces et de longue durée chez d'autres (stachyurus praecox, cornus officinalis) ou tardives comme chez les azalées mollis, les hêtres, encore verts. 
Le cornouiller officinal commence à peine à se colorer en de subtils dégradés
 Au début de l'automne on remarque aussi combien de jeunes arbres ou arbustes ont grandi, forci en hauteur et en volume. Certains introduits il y a 3-4 ans prennent leurs couleurs pour la première fois : le liquidambar (sur un feuillage  abondant et des feuilles plus grandes), les fusains planipes (euonymus planipes) qui portent aussi leurs premiers fruits. Dans la haie du bord de route les fruits des fusains d'Europe (des semis spontanés replantés il y a 4 ans) sont bien plus abondants que les années précédentes.
Tout cela a de quoi mettre du baume au coeur de la jardinière qui fut très inquiète "pour ses petits" pendant l'été...