J'évoquais rapidement cet arbuste à l'automne dernier (article du 25 septembre 2017). La floraison du stachyurus praecox planté l'hiver 2014 peut être qualifiée cette année pour la première fois de généreuse. Comme quoi au jardin ténacité et patience sont récompensées. L'abondance de la floraison fait que l'on remarque l'arbuste même de loin.
Les fleurs de l'arbuste encore à la portée des chevreuils ont été protégées
C'est souvent dans les livres que j'ai d'abord appris et repéré des végétaux, arbustes, vivaces... recommandés et mis en scène par de Grands jardiniers. La magie des photos fait aussi craquer n'est-ce pas?
Le stachyurus praecox est de ceux-là. De la famille des hamamélis cet arbuste caduc est d'origine japonaise (comme l'hamamélis japonica, un des parents des beaux hybrides Jelena, Diane...). Le port arqué et les tiges acajou restent élégants toute l'année, ses couleurs d'automne subtiles, précoces et de longue durée, pourtant rarement notées dans les descriptifs.
Le stachyurus praecox est donné par les pépiniéristes comme mesurant 2mx2m à taille adulte mais avec l'âge il peut doubler voire tripler ces dimensions. L'essentiel est d'ôter les plus vieilles tiges à sa base pour en maintenir le port élégant.
Il aime la fraîcheur au sol, le soleil ou la mi-ombre et pousse plutôt en sol acide ce qui m'a incité à l'adopter ici.
Le stachyurus praecox fleurit sur du bois de deux ans et c'est en partie pourquoi la patience est de mise. Sa floraison en grappes de perles jaune pâle a lieu en fin d'hiver si les températures sont douces ou au début du printemps. Ici elle a suivi à peine celle du jeune corylopsis pauciflora.
Le stachyurus praecox résiste tout de même bien au froid (-20°) mais la floraison peut pâtir de gels tardifs. Dans ce cas mieux vaut le planter en situation bien abritée (contre le mur nord de la maison dans mon ancien jardin il s'est développé sans souci pendant 15 ans et je l'ai laissé à regret).
Selon l'adage "quand on aime, on ne compte pas". Au jardin, si justement. Le stachyurus praecox a été placé non loin d'un vieux noisetier dans le bas du terrain, en
lisière de quelques chênes. Le parti paysager est de créer là une
ambiance de sous-bois, après avoir supprimé 2 énormes cyprès de Leyland
dorés plantés côte à côte il y a 40 ans sans doute : ayant atteint plus
de 20m de hauteur ils faisaient concurrence au pin de Monterey et occupaient jusqu'au sol toute cette partie du jardin.
Le premier se développant bien, 3 autres petits stachyurus praecox l'ont rejoint dans cette scène sous l'ombre légère, entre des merisiers spontanés, un stewartia pseudocamellia, quelques stephanandra tanakae...
Les stachyurus et stephanandra plantés en plusieurs exemplaires répartis dans cet espace donneront une allure naturelle à la scène. Plutôt que de
succomber à la "collectionnite aigüe" qui guette sournoisement les jardiniers
(j'ai peiné moi-même à y résister sans -trop de succès- dans mon ancien jardin de ville),
cette façon de faire pousse au compromis : un jardin dans la nature
ou la nature au jardin.
Primevère et petit narcisse sauvages importés pour se naturaliser dans le sous-bois avec des nivéoles d'été et des
sceaux de Salomon. Le conopode dénudé et la stellaire holostée
spontanés ici ont été préservés.
Le succès dans les jardins de la belle graminée japonaise Hakonechloa macra et ses variétés, "aureola", nicolas.. est justifié. Mais faut-il bouder pour autant la luzula sylvatica, graminée européenne présente dans la nature des îles britanniques à l'Espagne, au-delà en Turquie et dans le Caucase ?
Les deux poussent dans les mêmes conditions en terrain frais, à l'ombre ou la mi-ombre (sol neutre ou légèrement acide) et n'apprécient pas la trop grande sécheresse estivale. Ayant expérimenté chacune (une hakonechloa aureola marquait dans mon ancien jardin le petit pont au-dessus du ruisseau) la luzule sylvatica a des qualités particulières. Dominique Voisin (ex-Pépinière de la Roche Saint-Louis) m'en avait fait cadeau pour ici, mon "jardin naturel", et sur ses conseils j'avais aussitôt divisé les 2 plants serrés dans leurs godets.
La luzule s'est installée au jardin sans souci sur le talus ombragé, entre des pierres éboulées, près d'une souche... En les comparant, alors que la hakonechloa macra s'étale d'un seul côté et prend son temps, la luzule sylvatica se développe dans toutes les directions et assez rapidement.
Le feuillage vert brillant de la luzule illumine une ombre dense et persiste tout l'hiver avant de se renouveler. La luzule sylvatica fleurit tôt en petits épis bruns gracieux - caractéristiques des luzules - bien visibles : ils s'élèvent au-dessus de la touffe et jouent dans la lumière.
Les touffes ont pris une ampleur généreuse en quatre ans et dès ce printemps après la floraison il sera possible à nouveau de la diviser. Je vais continuer à en planter ponctuellement sur le talus en remplacement du lierre...
Je l'ai vu aussi l'année dernière largement
utilisée au Grand Launay, jardin labellisé Jardin Remarquable (cf. article du 9 juillet 2017) dans le jardin d'ombre, vers
la source, au pied des haies, mêlée à des fougères... Une référence.
"Il n'y a pas de mauvaises plantes, il n'y a que de mauvais usages". La remarque est très juste, à l'expérience on adhère. Oui mais. Quand certaines spontanées s'installent et prennent le dessus j'en viens à les honnir et les supprimer (si je peux...).
Le lierre :
Non lorsqu'il part à l'assaut des arbres (encore que je ne le laisse pas faire partout, ni sur les pommiers, les chênes ou les pins proches de la maison, ...tout dépend). Ce n'est pas tout blanc ou tout noir. Mais lorsque laissé à lui-même pendant des années le lierre a tissé un tapis serré rampant sur le sol, asséchant la terre au pied des grands arbustes (rhododendrons, magnolia, noisetier...), empêchant tout semis d'autres plantes plus intéressantes d'émerger ou de prospérer (pulmonaires, anémones des bois...).
Il ne faut pas se décourager pour démêler et supprimer le tissu épais. La patience est de mise, on est ensuite récompensé. Je craignais que ce tapis de lierre se reforme rapidement sous le magnolia par lequel j'ai commencé (ah! les semis de lierre). Il n'en est rien, le magnolia liliiflora et les rhododendrons dégagés sont accompagnés dorénavant d'épimédium epstenii, de saxifrage stolonifera, d'hellébores, de géraniums phaeum Walküre qui se ressèment...Le bonheur.
(Clins d'oeil) Une météo chahutée, des épisodes pluvieux très localisés, un ciel bleu à contrepied des prévisions. La floraison du magnolia taillé "en transparence" sublime comme chaque année
La petite violette : D'abord on la trouve mignonette cette minuscule violette très présente au jardin. Lorsqu'elle se glisse au pied de jeunes vivaces, d'arbustes nouvellement plantés on laisse faire..Jusqu'au jour où on prend conscience que cette petite apparemment si fragile est en réalité d'une résistance et d'une vigueur surprenantes : le volume de son système racinaire chevelu et très dense occupe le terrain bien au-delà de la partie aérienne visible. Je suis désormais sans état d'âme dans les massifs puisqu'elle prospère partout : les chenilles de papillons qui s'en nourrissent y trouveront quand même leur compte. Un paillage épais de feuilles de chênes freine aussi les semis.
Le lierre, toujours lui, surveillé régulièrement sur le haut du talus afin
d'éviter qu'il empiète et nuise au polypodium vulgare Whitley Giant (la
fougère a été assez lente à s'installer)
Deux ou trois rosettes étaient apparues au pied de l'hydrangea Shirahuzi un an après la transplantation de ce petit hydrangea serrata blanc (de son nom japonais "Shiro Fuji") depuis mon ancien jardin. L'hydrangea avait été replanté à l'ombre portée du magnolia liliiflora nigra, à la lisière de sa ramure (le système racinaire tout en surface du magnolia ne souffre pas vraiment la concurrence).
Le saxifrage a commencé par se développer au pied de l'hydrangea (bénéficiant peut-être de son arrosage régulier l'été par temps très sec).
Jusque-là en terrain plutôt argileux, le saxifrage stolonifera avait vécu "des hauts et des bas", disparaissant puis réapparaissant à l'emplacement de son godet d'origine sans prospérer (stolonifera vraiment?). Alors ici sans trop y croire, je l'ai laissé faire. Bien m'en a pris. Il a commencé par "tourner autour" du pied de l'hydrangea puis à s'étirer, s'étaler vers les zones les plus à l'ombre, vers le magnolia et les hellébores orientales pourpres.
Les jeunes feuilles de l'année sortent avant que les plus anciennes ne dépérissent
Le sol très drainé est sans doute le facteur de réussite. Originaire de l'Est de l'Asie, le saxifrage stolonifera supporte le froid (zone 5 pour Cédric Basset, auteur de "Cultiver les plantes de Chine et du Japon". éd. Ulmer) alors que d'autres le recommandent seulement en climat doux (et comme plante d'intérieur). Il résiste également à la sécheresse jaunissant quand même en période de canicule. Je l'apprécie aussi pour sa floraison ravissante et très abondante en début d'été : une nuée de fines hampes florales portant de minuscules fleurs blanc rosé, un brouillard vaporeux planant au-dessus du sol.
Les feuilles velues sur les deux faces ne découragent pas les limaces et escargots. A bon entendeur...
Ce saxifrage stolonifera forme dorénavant un couvre-sol de plusieurs m2 décourageant toute adventice sans nuire aux hellébores ni au geranium phaeum Walküre qui se sont ressemés. Je supprime simplement en les pinçant avec les ongles les feuilles du saxifrage au pied des vivaces pour que celles-ci puissent croître ensuite librement.
Il est facile de multiplier le saxifrage stolonifera en détachant de jeunes rosettes et je le teste plus loin. A mon expérience elles prennent le temps de se fortifier avant de "stoloniférer".
De fines veines argentées côté face et un revers pourpre
Le Journal de jardin de Vita Sackville-West, créatrice avec son mari Harold Nicolson du plus célèbre jardin d'Angleterre, Sissinghurst Castle Garden dans le Kent vient d'être traduit en français.
Un recueil de notes et d'articles sans doute tirés de la chronique hebdomadaire tenue après la guerre dans The Observer " In Your Garden". En 1948 elle fut aussi membre fondateur du comité des jardins du National Trust (institution aujourd'hui gestionnaire de Sissinghurst, juste retour des choses).
Ce recueil a été édité en 1989 près de trente ans après sa mort. Quelle heureuse initiative des éditions Klincksieck de l'avoir traduit dans leur collection De Natura Rerum consacrée à la nature.
Vita Sackville-West. Journal de mon jardin. De Natura Rerum. Klincksieck. 2017
La lecture du Journal sous forme de billets qui se succédent par saisons et par mois a tout pour mettre en joie. Les thèmes se suivent au fil de sa pensée. On comprend à travers les lignes que ses débuts au jardin furent d'abord livresques mais que faisant fi des conventions elle eut un regard neuf sur les choix et l'usage des plantes,- des plus communes aux plus rares -, sur les couleurs et leurs associations (si extraordinaires dans le jardin jusqu'à aujourd'hui).
Un certain bon sens et sa propre expérience la guident. Les fleurs, les bouquets tout au long de l'année sont importants pour elle. Sa curiosité, son inventivité...comme son sens de l'économie, (attentive aux cordons de la bourse pour développer un jardin sans se ruiner), parcourent l'ouvrage. Elle répond avec attention et réflexion aux demandes de ses lecteurs.
On reconnait avec émotion en lisant ces billets des plantes auxquelles on est soi-même si sensible. Et loin d'un pensum, le journal de Vita Sackville-West est irrigué d'un humour parfois féroce, typiquement british (?). J'ai éclaté de rire à plusieurs reprises au fil des chapitres. Il met en joie vous dis-je lorsque les brutales averses de mars nous écartent du jardin.
Par hasard, en feuilletant les premières pages d'un ouvrage très documenté sur les arbustes de Roger Phyllis et Martin Rys. édité par La Maison Rustique en 1990 - op.cité.cf.article 10 mai 2007-) concernant les floraisons hivernales, j'ai pu identifier un rhododendron en place dans le jardin bien avant moi, le rhododendron moupinense. Je l'ai évoqué dans un article récent (dimanche 25 février). Il forme un buisson rond compact et pourtant léger, pas très haut (1,20m-1,50m), aux branches basses quasi rampantes en couvre-sol (ici tout au moins). Les feuilles ovales aux bords ciliés relativement petites allègent sa silhouette. La floraison précoce est ravissante et prodigue sans excès. Les boutons d'un rose lumineux s'ouvrent en campanules d'un blanc pur avec des étamines colorées quasi ton sur ton.
Largement méconnu et peu documenté, apparemment rarement cultivé, c'est une espèce à redécouvrir. Il est parent de plusieurs hybrides fleurissant tôt, eux bien connus comme le rhododendron Cilpinense (ciliatum (s) x moupinense) aux fleurs plus grosses et à mon goût moins élégant.
Le rhododendron moupinense dans son milieu d'origine est un rhododendron épiphyte poussant contre les souches de vieux arbres, les arbres morts couchés, quelquefois des falaises ou des rochers. Il a été nommé et décrit au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris à partir des espèces collectées en Chine en 1869 par le formidable missionnaire botaniste français Armand David (ah! combien lui doit-on, tant de plantes aujourd'hui présentes dans nos jardins portent son nom).
Mais c'est l'infatigable et passionné botaniste britannique Ernest Henry Wilson qui l'introduira de Chine en 1909 lors de sa première expédition commandée par The Arnold Arboretum of Harvard University (US). L'espèce séduira aussitôt et la RHS la dotera 4 ans seulement après d'un Award of Merit.
Le gel récent a roussi des pétales extérieurs prêts à s'ouvrir sans détruire les boutons à fleurs. La floraison n'aura pas à en souffrir.
La vie d'Ernest Henry Wilson qui parcourut les territoires d'Asie lors de pas moins 7 expéditions est un roman d'aventures. Quant au spécimen de rhododendron moupinense qui fut planté un jour dans ce jardin, par qui et comment restera un mystère...
Le grand froid récent ne doit pas faire oublier la menace des
limaces qui très tôt s'attaquent aux feuilles et jeunes pousses : une inspection rigoureuse de tout le jardin
s'impose sans tarder. Il est étonnant de constater la variété des plantes auxquelles s'attaquent limaces et escargots. Les petites limaces noires qui se cachent dans le sol s'avèrent particulièrement voraces. Et comme la météo conjugue redoux avec averses et éclaircies, il vaut mieux dès maintenant prendre les mesures indispensables aux plus sensibles (comme les nouvelles pousses d'hydrangeas émergeant à peine du sol). Uniquement celles-ci, les autres "se débrouilleront" aidées par les nombreux prédateurs des gastéropodes.
Un semis de pulmonaire "Majesté". Les feuilles duveteuses des pulmonaires ne rebutent pas ces voraces. J'ai constaté cet hiver que d'autres en ont fait les frais au moindre redoux comme la consoude "Hidcote Blue"...
Chacun a sa pratique afin d'en réduire les dégâts. Pour ma
part je cumule des "recettes" classiques :
la couronne de cendres de bois pour faire barrage - mais c'est très laid
jusqu'à ce que la pluie ait assombri le gris cendré et alors lessivée... la
cendre est moins efficace -. Donc j'avoue, j'emploie çà et là le
phosphate ferrique en granulés, exclusivement cette formule chimique - mais est-on certain qu'il est
inoffensif aux hérissons, oiseaux ...? - et ce bleu improbable est aussi vilain. Les granulés sont disposés sous des abris, coquilles, "tuiles"d'écorces de pin bombées, cailloux, pour les protéger un temps de la pluie...et de la vue.
Même les feuilles coriaces des épimédiums n'en sont pas totalement indemnes mais le feuillage est tellement abondant...et sera de toute manière éclairci au démarrage de la floraison.
Parmi les (nombreux) travaux de ce mois de mars, je compte aussi planter une gousse d'ail au pied de chaque rosier déplacé
l'année dernière, ayant oublié de le faire.
Un conseil répété de jardiniers expérimentés (Jean-Luc Sacquet,
Jean-Pierre Coffe....) dont les bénéfices contre les pucerons ont été probants dans mon
ancien jardin.